
Camille Claudel :
Etude II pour Sakountala,
vers 1886 (RF MO S 2017 4)
Esquisse en terre cuite
Paris, musée d'Orsay,
acquis par préemption en vente publique
par l'établissement public administratif
du musée d'Orsay en 2017
Merci au Musée d'Orsay pour son aimable autorisation
C. Claudel
Quand l'infime devient monumental
La finesse du mouvement rencontre la froideur de la matière.
La force du sentiment explose la rudesse de la pierre.
L’œuvre de Camille Claudel est plus qu'une simple émotion,
c'est une émotion géniale, vivante, d'une énergie foudroyante, qui jaillit de la terre.
Ses sculptures aussi petites que puissantes sont comme un sentiment exacerbé, un cri de la terre. (Vieil aveugle chantant)
Elles racontent les êtres dans l'étroitesse de leur intimité
et leur prodiguent une dimension universelle. (Les Causeuses, La Vague, Femme lisant)
L'être humain est aussi fragile que résistant.
Malgré tout, l'écorché arrive à tenir debout. (Clotho, Nobide blessée)
Arriver à tenir, à supporter. Seul ou à deux. (Sakountala)
Et puis, il y a La Valse... le chef d’œuvre de Claudel n'existe pas seulement en raison de l'élan qu'il exprime, ni à cause d'une force ou d'une vitesse quelconque mais parce qu'il est l'expression vitale du mouvement dans sa frêle et pudique nudité.
Être dans le mouvement, dans la liberté de mouvoir le corps.
C'est une supplication. (L'âge mûr, L'Implorante)
Une contemplation. (L'Ecume, L'Aurore)
Une ode à la liberté figée dans le temps.
Liberté d'être, de ressentir, de réfléchir. (Profonde Pensée, Rêve au coin du feu)
Liberté du corps, liberté de l'esprit, cela même dans l’espace le plus réduit.
Camille Claudel le proclame, l'infime... l'infiniment petit... le fragile peut devenir monumental, imposant, inscrit dans le temps. La finesse peut triompher face à la masse, l'énergie révoltée face au statisme qui veut imposer.
Même si l'artiste est enfermée, sa force d'expression est puissante, bouleversante.
Arriver à exposer les méandres de l'âme humaine est forcément dangereux, subversif.
Malgré la mise à mort lente de l'artiste, l’œuvre vit encore et encore.
Elle est un bouillonnement de vie intemporel, une force émotionnelle éternelle.
La matière garde l'âme. Il faut un génie tel que Camille Claudel pour le comprendre et l'exprimer.
Condamnée à l'oubli, elle résiste et revit à travers les siècles.
L'artiste a été réduite à l'infime, son œuvre est devenue monumentale.
Brigitte Badier
France, 2018-2019